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La protection des jeunes footballeurs n’est pas un concept figé ; elle évolue avec les pratiques et la société. Au risque d’être pris de court, les acteurs de la formation doivent être proactifs, pour conserver en permanence un niveau de protection optimal pour leurs jeunes.

La filière football est l’une des moins protectrices en ce qui concerne les carrières qui ne démarrent pas. En Afrique, le formateur n’a que des droits envers le joueur (indemnités de formation), pas des devoirs. Pour les parties au contrat (moral) de formation, la pratique du football signifie tacitement le départ pour l'Europe, dans un club pro. Il n’y a pas d'autres alternatives, pas de plan B en cas d'échec : les enfants se forment à leurs risques et périls. Mais à la moindre occasion, sans garantie de contrat, les jeunes sont "transférés" ou s’expatrient à l'initiative des familles. Dans l’ouest africain, chaque année, 15,000 joueurs mineurs émigrent vers le vieux continent ; 1,5 million s’entraîne au sein des académies avec, en tête, un projet migratoire. La plupart de ces migrations s’opèrent dans des conditions indignes et aboutissent à des drames humains. Qui est responsable des milliers d’adolescents et de jeunes abandonnés en Europe et dans des pays de transit ? Qui est comptable des minots qui périssent en traversant clandestinement la méditerranée ?

La formation africaine perd le nord. Elle devient élitiste là où elle était accessible à tous, laissant au bord de la route de nombreux enfants qui se dirigent spontanément vers les structures d’entraînement et les réseaux de recrutement non officiels. La formation d’Afrique se privatise radicalement, là où les pouvoirs publics devraient garder la main, entendu qu’elle est un service public : sur ce continent, le « social » ne saurait être déconnecté d’aucune initiative visant la jeunesse. Pour couronner le tout, cette formation s’ « extravertit » un peu plus chaque saison : sans exception, les clubs, les académies forment pour « vendre » des joueurs jeunes à l’étranger. Mais pour un jeune « sorti », combien de rêves brisés ? « L’aptitude réelle d’un jeune joueur à évoluer au plus haut niveau est difficile à déceler jusqu’à l’âge de 17 ans, et les aléas restent nombreux jusqu’à l’âge de 19 ans », expliquait François Blacquart (1), il y a plus de dix ans déjà. Il revient aux parties prenantes de questionner un modèle de formation qui compromet le développement local et transforme les enfants en chair à ballon.

La formation footballistique se distingue par la rareté des débouchés qu’elle offre aux candidats au professionnalisme. Même en France, premier pays formateur au monde, où les structures sont très organisées, suivies, contrôlées, le bilan humain n’est pas anecdotique : 50 % environ des jeunes de 13 à 15 ans des « pôles espoirs » échouent à entrer dans un centre de formation. Seulement 20 % réussissent ensuite à signer pros, et la moitié seulement évoluera en Ligue 1, selon l’UNFP, le syndicat des footballeurs professionnels. Chaque année, près d’un demi millier de jeunes intègre les centres de formation français, tandis qu’environ 75, en moyenne, passent pros à la fin du cursus (2). S’il y a très peu d’élus ici, que dire de l’Afrique, où la formation dispose de très peu de ressources.

C’est donc un fait : la formation des jeunes footballeurs a un coût humain, non pris en charge par les formateurs en Europe comme en Afrique. Devant cette addition salée, que seuls payent les jeunes sportifs et leurs familles, le statuquo ne saurait trop perdurer. Le statut du club formateur ne garantit en rien la protection en cas d’échec, et rien ne l’oblige juridiquement : c’est une question de responsabilité sociale et d’engagement du formateur à défendre les valeurs humaines.

(1) Cité dans Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français (Rapport Besson, nov. 2008)
(2) ancien DTN de la fédération française de football
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