Le 30 novembre 1999, Jacques Donzel, conseiller de Marie-George Buffet, alors ministre des Sports en France, présente le rapport sur le recrutement, l’accueil et le suivi des jeunes étrangers dans les centres de formation des clubs de football professionnel. Les conditions du recrutement des joueurs africains sont alors entachées d’irrégularités, entourées d’opacité, on n’hésite pas à parler d’ « esclavage moderne ».
Ce rapport révèle les manquements juridiques, moraux, éthiques du recrutement des clubs européens en Afrique. Mais si ces clubs sont pointés du doigt, la réalité est plus complexe. « Des membres de la diaspora africaine organisent des flux sauvages de jeunes joueurs vers l’Europe, ainsi que des anciens joueurs africains, des observateurs payés par les clubs européens ou des entraîneurs européens partis travailler en Afrique » explique Raffaele Poli du CIES de Neuchâtel.
Le rapport Donzel interpelle l’Europe politique. Les chefs d’États réunis au Conseil européen de Nice (7, 8 et 9déc. 2000) publient la déclaration relative aux caractéristiques spécifiques du sport et à ses fonctions sociales en Europe devant être prises en compte dans la mise en œuvre des politiques communes. Conclusions de la présidence. Le texte dénonce les transactions commerciales ayant pour objet les sportifs mineurs, y compris ceux issus des pays tiers et qui mettent en danger la santé et le bien-être des jeunes sportifs. Quelques jours après, la conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports de la CONFEJES s’ouvre au Mali (20, 21 et 22déc. 2000) sur le thème du recrutement des jeunes joueurs de football africains au profit des centres de formation de clubs professionnels étrangers.
La Déclaration de Bamako est sans appel : les transferts illégaux effectués dans des conditions inacceptables au regard des droits et des libertés humaines, de la morale et de l’éthique constituent un véritable fléau pour la jeunesse africaine. Le 5 mai 2001, la FIFA intègre un article « protection des mineurs » dans son règlement sur le statut et le transfert de joueurs.
Les transferts internationaux de mineurs sont interdits, sauf dans trois cas, notamment : a) si les parents du joueur s’installent dans le pays du nouveau club, pour des raisons étrangères au football. Mais la règle sera régulièrement contournée, les contrevenants utilisant tous les procédés possibles : déplacement des parents des mineurs, attribution de familles fictives aux jeunes en Europe, migration illégale… La FIFA a toujours rejeté sur l’Union européenne, la responsabilité de l’alinéa « a » de l’article 19. Elle tentera de contrebalancer le déséquilibre structurel occasionné en octroyant des aides au football africain via des programmes de développement qui ne suffiront pas à empêcher la fuite des talents. On estime à 15000 le nombre de joueurs mineurs quittant chaque année 10 pays d’Afrique de l’Ouest, à 1,5 million le nombre de ceux qui s’entraînent au sein des académies avec le projet d’émigrer.
Le 1er octobre 2009, l’enregistrement et la déclaration des mineurs au sein des académies (art. 19 bis, nouveau) deviennent obligatoires, une sous-commission est créée au sein de la Commission du statut du joueur, aux fins d’encadrer les dérogations prévues à l’article 19. La FIFA souhaite dorénavant « tracer » les mineurs via TMS, or 10% seulement des jeunes joueurs africains sont licenciés. À ce jour la déclaration et l’enregistrement des jeunes joueurs restent peu appliqués en Afrique. Des académies servent encore et toujours de réservoir et de satellites à des clubs et agents de joueurs basés en Europe, accentuant le délitement des footballs locaux.
(1) Extrait de l’article de Jean Claude Mbvoumin dans la revue Jurisport n° 215, Janvier 2021.